Quand l’ennoblissement textile devient un modèle de responsabilité

Valoriser les savoir-faire, s’ancrer dans les territoires, limiter le gaspillage : les membres du collectif Les Ennoblisseurs n’ont pas attendu que la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) devienne un sujet d’actualité pour agir. Dans leurs ateliers, le bon sens a toujours guidé les décisions : s’approvisionner au plus près, préserver les savoir-faire, respecter les collaborateurs indispensables à un travail manuel de précision et optimiser chaque mètre de matière souple. Réutiliser les chutes de fils ou de tissus n’était pas un concept, mais une évidence économique et écologique.
Aujourd’hui, alors que la responsabilité est devenue une attente forte des clients et des donneurs d’ordre, ces pratiques sont revendiquées et racontées. Elles ne sont plus seulement des habitudes, mais de véritables engagements qui inscrivent toute la filière dans une dynamique d’avenir. L’ennoblissement, étape clé qui révèle la matière et la transforme en tissu d’exception, devient ainsi un levier pour produire mieux et réduire l’impact global des réalisations, sans compromettre la créativité ni l’exigence de qualité.
Pour illustrer cette dynamique, trois membres du collectif partagent leur vision et leurs actions : trois approches différentes, mais un même fil conducteur – celui de la responsabilité.
La Choletaise de Fabrication
L’innovation responsable comme levier de progrès
Chez la Choletaise de Fabrication, la démarche RSE est portée avec conviction par son dirigeant, Olivier Verrièle. L’entreprise, spécialisée dans la création et la fabrication de textiles étroits, a identifié un levier important de son impact : les matières premières, qui représentent 70 % de son bilan carbone. Le choix de matières éco-responsables et locales – lin, laine, en partenariat avec les collectifs Tricolor et Lainamac – est donc au cœur de sa stratégie.
Mais l’engagement ne s’arrête pas à l’environnement. La Choletaise a adopté un management participatif : chaque mois, des comités mixtes réunissent les équipes pour réfléchir aux orientations stratégiques, à la modernisation des machines ou encore à l’optimisation des bâtiments afin de réduire la consommation énergétique.
L’entreprise, labellisée « Fond Vert Territoire d’industrie en transition écologique », a également donné vie à « Made by Bobine », une marque qui valorise les fins de production. Tabourets, lacets, cabas ou cordons de lunettes : tous ces objets design sont issus du recyclage des chutes de fils et réalisés dans des ESAT, intégrant ainsi une dimension sociale forte.
« Nous avons fait de nos contraintes un moteur d’innovation, explique Olivier Verrièle. Réduire notre impact, c’est aussi créer de nouvelles opportunités de marché et donner du sens à notre production. »
Broderies Gouvernel
La certification comme gage de transparence
Pour les Broderies Gouvernel, l’obtention de la certification GOTS (Global Organic Textile Standard) est un véritable projet stratégique. L’entreprise a dû adapter les standards de la certification à sa taille et à ses techniques artisanales, tout en renforçant certaines pratiques existantes, notamment l’approvisionnement en matières premières biologiques – un sujet nécessitant plus de travail que d’autres volets déjà conformes.
Cette démarche a permis de formaliser ce qui était déjà en place : des pratiques respectueuses de l’humain et de l’environnement, un processus artisanal peu consommateur d’eau ou sans utilisation de produits chimiques. Le résultat : plus de traçabilité, plus de transparence, et une chaîne de valeur alignée sur des standards internationaux.
« Nous avons réalisé que nous étions déjà en phase avec la plupart des exigences. La certification nous a simplement permis de le prouver et de le valoriser, » souligne Julien Ducret.
Les Filles d’Hortensia
La sincérité artisanale comme fil conducteur
Chez Les Filles d’Hortensia, l’engagement est avant tout personnel. Véronique Arbué a choisi de faire de ses convictions un mode de production : proposer des matières recyclées pour les commandes sur mesure, afficher la traçabilité des matières premières dans son atelier, conserver les fils et les chutes de tissus.
Même sans label – souvent inadapté aux petites structures –, l’entreprise revendique une démarche sincère et cohérente. Elle sensibilise les jeunes lors des stages et formations et s’entoure de partenaires partageant les mêmes valeurs, comme la marque Azur qui privilégie les matériaux naturels et les teintures végétales (en photo : Débardeur en soie plissé indigo – Azur x Les Filles d’Hortensia)
Véronique nourrit aussi un souhait : que les consommateurs prennent conscience du coût environnemental et social d’un achat à l’autre bout du monde. « Faire appel à notre savoir-faire, c’est déjà un acte responsable, affirme-t-elle. Nous travaillons localement, à taille humaine, avec le souci de chaque détail. »
Trois démarches, une même conviction
Ces trois exemples illustrent la diversité des approches au sein du collectif Les Ennoblisseurs : certification internationale, management participatif, économie circulaire, pédagogie… Toutes contribuent à un même objectif : produire mieux, avec respect et exigence.